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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 20/63
statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité des dé-
cisions administratives, soulevée à l’occasion d’un litige relevant à titre principal de l’autorité judi-
ciaire statuant en matière civile
TC, 17 octobre 2011, Préfet de la Région Bretagne, Préfet d’Ille-et-Vilaine, SCEA du Chéneau
c/ INAPORC et M. C et autres c/ CNIEL, n° 3828 et 3829 :
Premièrement, lorsque la légalité d'un acte administratif est contestée devant eux, les tri-
bunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile n'ont pas à saisir la juridiction ad-
ministrative d'une question préjudicielle portant sur la légalité de cet acte administratif
dès lors qu'il apparaît « manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contes-
tation peut être accueillie par le juge saisi au principal ». Le Tribunal des conflits vise
ainsi à concilier le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires « tant
avec l’exigence de bonne administration de la justice qu’avec les principes généraux qui
gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à
ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable » ;
Deuxièmement, le Tribunal des conflits juge que lorsque la conformité d'un acte admi-
nistratif au droit de l'Union européenne est contestée devant les tribunaux judiciaires sta-
tuant en matière civile, ces derniers peuvent, en cas de difficulté d'interprétation de ces
normes,
x soit en saisir eux-mêmes la Cour de justice à titre préjudiciel,
x soit, lorsqu'ils s'estiment en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être
tenus de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudi-
cielle.
Pour énoncer cette seconde restriction à la jurisprudence Septfonds, le Tribunal des con-
flits se fonde
o sur ce que le respect du droit de l'Union européenne est une obligation, tant en
vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution
o et sur l'obligation en vertu du principe d'effectivité de ces traités pour le juge
national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union d'en assurer le
plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute dispo-
sition contraire – Cf. aussi TC 12 décembre 2011, Société Green Yellow et
autres c/ Électricité de France, n° 3841.
Ź Le juge statuant en matière pénale a en revanche une compétence beaucoup plus large.
L’article 111-5 du code pénal dispose : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les
actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque, de cet examen,
dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. » Exit donc la jurisprudence TC, 5 juillet 1951,
Avranches et Desmarets, n° 01187, qui excluait de cette compétence l’appréciation de la légalité des
actes administratifs individuels.
ii - Les solutions dictées par la tradition
L'autorité judiciaire est considérée traditionnellement comme gardienne de la propriété privée
et des libertés individuelles - Cf. article 66 de la Constitution. C’est la raison pour laquelle relèvent de
sa compétence les contentieux suivants :
1. L’hospitalisation d'office
Aux termes de l’article 3211-12 du code la santé publique, ce contentieux ressortit exclusivement à la
compétence du juge judiciaire, alors qu’auparavant il y avait partage des compétences entre les deux
ordres de juridictions : le contentieux de la nécessité de la mesure devait être porté devant le juge judi-
ciaire, celui de sa régularité formelle devant le juge administratif - TC, 6 avril 1946, Maschinot.