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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  25/63

                  ™ Pour résumer, il y a voie de fait lorsque l’une ou l’autre des deux situations suivantes se
            présente :
                     1. l’administration procède à l’exécution forcée irrégulière d’une décision, même légale, et
                        porte atteinte à la liberté individuelle ou provoque l’extinction d’un droit de propriété ;
                     2. l’administration prend une décision qui, d’une part, porte atteinte à la liberté individuelle
                        ou provoque l’extinction d’un droit de propriété, et qui, d’autre part est manifestement
                        insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.


                     i. Exemple de voies de fait tenant à l’illégalité de l’exécution :
                          a. TC, 4 novembre 1991, Beladjimi c. commune de Viry-Châtillon, n° 02666 : Enlèvement et
                             destruction le même jour d’un véhicule laissé en stationnement, en un même point de la
                             voie publique, pendant une durée excédant sept jours consécutifs ;
                          b. TC, 4 juillet 1991, Maison des jeunes et de la culture (M.J.C.) Boris Vian c. commune de
                             Pontault-Combault, n° 02662 : Après avoir vainement fait sommation à l’association de
                             quitter des locaux dépendant du domaine public, la commune a, après avoir enlevé une
                             partie des meubles et objets appartenant à celle-ci, procédé à la destruction du mobilier
                             restant.

                    ii. Exemples de voies de fait tenant à l’illégalité de la décision :
                          a. TC, 15 février 2010, Mme Tarahu c/ Haut-commissaire de la République en Polynésie fran-
                             çaise, n° C3722 : L'abattage sur le terrain d'un particulier, sans son accord, d'arbres lui
                             appartenant, effectué à l'instigation et sur les instructions du directeur du centre péniten-
                             tiaire voisin, par un membre de sa famille et des détenus, avec des matériels de ce centre,
                             dans le but de dégager la vue sur le lagon depuis son logement de fonction ;
                          b. TC, 8 avril 1935, Société du journal L'action française, n° 00822 : Ordre de saisir des jour-
                             naux en l’absence de toute menace à l’ordre public ;
                          c. TC, 9 juin 1986, Commissaire de la République de la Région Alsace et Eucat, n° 02434  :
                             Ordre de retrait de passeport fondé sur le fait que l’intéressé était redevable de lourdes
                             impositions, et ce, en l’absence de poursuites pénales ou de l’exercice d’une contrainte
                             par corps.
                  Ź Dans tous ces cas, pour qu’il y eût voie de fait à l’époque, il a fallu que l'illégalité affecte
            gravement une liberté fondamentale ou la propriété privée.
                   Le juge judiciaire a plénitude de compétence pour statuer en cas de voie de fait : allocation
            de dommages et intérêts, injonctions adressées à l’administration pour qu’elle mette un terme à la
            voie de fait, appréciation de la légalité de l’acte administratif, quel qu’il soit. Par dérogation au prin-
            cipe de l’intangibilité des ouvrages publics, il peut même ordonner la destruction d’un ouvrage public
            lorsqu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée : TC, 6 mai 2002, Époux Binet c/
            Électricité de France, n° 3287 ; Cass. 3e civ. 30 avril 2003, Mourareau et autres c/ Commune de Verdun-
            sur-Ariège, n° 01-14148 ; Cass. Civ., 6 décembre 1995, Commune de Villers-sur-Seine, n° 94-11196 ; CE,
            Sect., 19 avril 1991, Époux Denard et Martin, n° 78275 ; CE, Sect., 29 janvier 2003, Syndicat départemen-
            tal de l'électricité et du gaz des Alpes-maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, n° 245239.
                   Toutefois, la compétence judiciaire n’exclut pas que l’on puisse former devant le juge ad-
            ministratif un recours en déclaration d’inexistence : TC 27 juin 1966, Guigon, n° 01889 ; CE, 4 mai
            1988, Ministre des Relations extérieures c/ M. Plante, n° 60590 :
                     « [Considérant] que, dans ces conditions, les décisions attaquées qui portent atteinte à la
                     liberté d'aller et venir ci-dessus définie, sont manifestement insusceptibles eu égard au
                     motif pour lequel elles ont été prises de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir conféré par
                     la loi à l'administration ; qu'elles ont dès lors le caractère de voies de fait et doivent être
                     regardées comme nulles et non avenues ; […] »
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