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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  32/63

            c - Le conflit ou la contrariété de décisions au fond entraînant un déni de justice


                   9 Définition : Il y a contrariété de décisions au fond lorsque, successivement saisies
                   d’un litige portant sur le même objet, une juridiction de l’ordre administratif et une
                   juridiction de l’ordre judiciaire se prononcent définitivement au fond, en rendant des
                   décisions contradictoires qui déboutent, toutes les deux, le demandeur, et l’incitent,
                   implicitement, à demander satisfaction à l’autre ordre de juridiction.


                   La solution de ce cas a d’abord été donnée par la loi du 20 avril 1932 dite loi ouvrant un
            recours devant le tribunal des conflits contre les décisions définitives rendues par les tribunaux judi-
            ciaires et les tribunaux administratifs lorsqu'elles présentent contrariété aboutissant à un déni de
            justice. Actuellement, la solution résulte de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872, modifiée par la loi
            n° 2015-177 du 16 février 2015.
                   Origine et première application : TC, 8 mai 1933, Rosay
                   M. Rosay avait pris place dans un véhicule privé conduit par un ami. Le véhicule est entré en collision
            avec un véhicule appartenant à un service public.
                   Blessé dans l'accident, M. Rosay actionne le conducteur du véhicule privé devant le tribunal civil.
            Celui-ci le déboute au motif que la responsabilité incombe au conducteur du véhicule public et que seul le juge
            administratif peut statuer sur une telle responsabilité.
                   Il saisit le tribunal administratif qui le déboute à son tour au motif que le conducteur du véhicule privé
            est responsable et que seul le juge judiciaire peut statuer sur une telle responsabilité.
                   Ainsi, M. Rosay ne trouve pas de juge alors qu'il a droit à réparation. On est en présence d’un déni de
            justice : les prétentions sont fondées, mais aucun juge ne veut y faire droit. Il s’est produit un conflit. Pas un
            conflit négatif puisque chaque juge a reconnu sa compétence pour examiner l’affaire. Il s’agit d’un conflit
            entre deux décisions rendues sur le fond.
                   Selon la loi du 20 avril 1932 (loi n° 2015-177 du 16 février 2015 : article 15 de la loi du 24
            mai 1872 modifiée), dans ce cas, le Tribunal des conflits se voir confier une mission particulière. Saisi
            par le requérant, il juge lui-même l'affaire au fond. Le recours devant le Tribunal des conflits est
            introduit dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions statuant au fond
            est devenue irrévocable.

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                   Cas particulier : Reconnaissance d'un déni de justice alors lorsque l’un des deux ordres de
            juridiction s’est borné à décliner sa compétence

                   TC, 6 juillet 2009, M. Bonato c/ Association pour l'expansion industrielle de la Lorraine
            (APEILOR), n° C3692 :
                   En principe, la reconnaissance d'un déni de justice est exclue lorsqu'un des deux ordres de juridic-
            tion se borne à décliner sa compétence - TC, 14 janvier 1980, Falanga, n° 02136.
                   Toutefois, il en va autrement lorsque, du rapprochement d'une décision d'incompétence et d'une
            décision au fond, résulte une contrariété.
                   Ainsi, en l’espèce, le Tribunal des conflits admet qu'une contradiction constitutive d'un déni de
            justice peut résulter d'une décision d'incompétence et d'une décision au fond alors qu'en principe lors-
            qu'un des deux ordres de juridiction se borne à décliner sa compétence.
                   En effet, selon le Tribunal, constitue un déni de justice au sens de l'article 1  de la loi du 20 avril 1932,
                                                                                     er
            l'impossibilité pour le demandeur d'obtenir une satisfaction à laquelle il a droit par suite d'appréciations in-
            conciliables entre elles portées par les juridictions de chaque ordre, soit sur des éléments de fait, soit en
            fonction d'affirmations juridiques contradictoires. En cas de déni de justice, le Tribunal des conflits est alors
            compétent pour régler le litige au fond aux termes de l'article 4 de la loi du 20 avril 1932.
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