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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  46/63

            1832 que le Conseil d’État a mentionné pour la première fois sa « trouvaille » : CE, 15 juillet 1832, Garde
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            nationale de Paris et CE, 28 décembre 1832, Préfet de la Seine .
                   Il n’est pas sans intérêt de faire les remarques suivantes :
                     1. Le recours pour excès de pouvoir est un recours d'intérêt général. Bien sûr, en principe, tout
                        le monde devrait avoir intérêt à ce que la légalité soit respectée. Certes, tout le monde ne peut
                        exercer un recours pour excès de pouvoir contre n'importe quelle décision administrative - pas
                        d’actio popularis, d’action populaire. Il faut justifier d'un intérêt personnel à agir. Mais cet intérêt
                        est apprécié libéralement - Cf. infra.
                     2. Le recours pour excès de pouvoir peut exister, dans une matière donnée, même si un texte ne le
                        prévoit pas - CE, Ass., 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c Dame Lamotte, n° 86949, déci-
                        sion précitée (Voir Introduction générale au cours).
                     3. Le recours pour excès de pouvoir est un recours d'ordre public : l’acquiescement n’est pas
                        opposable au requérant. L’acquiescement est «  le fait pour une personne d’accepter une décision
                        administrative ou juridictionnelle qu’elle pourrait attaquer et de renoncer ainsi par anticipation à
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                        former contre cette décision un recours contentieux » . Recevable dans le plein contentieux, l’ac-
                        quiescement est impossible dans le contentieux de l’excès de pouvoir. En effet, si «  nul n’est
                        obligé d’attaquer une décision illégale, nul ne peut s’interdire à l’avance de contester une illéga-
                        lité » . En revanche, un désistement  dont le juge a donné acte est opposable au requérant, quel
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                        que soit le contentieux.
                     4. Enfin, le recours pour excès de pouvoir est un recours essentiellement objectif. En effet, au
                        soutien de ce recours, on ne peut, en principe, invoquer qu'un moyen fondé sur la violation du
                        droit objectif - Constitution, loi, règlement, normes jurisprudentielles ou conventionnelles. On ne
                        saurait, en principe, soulever un moyen tiré de la violation de clauses contractuelles. Celles-ci
                        relèvent du droit subjectif, et donc, d'un recours subjectif.
                        Exceptions :
                             le recours pour excès de pouvoir contre le contrat de recrutement d’un agent public non
                             titulaire - CE, Sect., 30 octobre 1998, Ville de Lisieux, n° 149662. On devrait pouvoir se
                             prévaloir de toutes les stipulations - réglementaires ou non - de ce contrat ;
                             le recours pour excès de pouvoir contre un acte considéré comme détachable d’un contrat
                             déterminé. On peut se prévaloir de toutes les stipulations - réglementaires ou non - de ce
                             contrat : CE, 20 janvier 1978, Syndicat de l’enseignement technique agricole public,
                             n° 99613 ; CE, Sect., 13 janvier 1988, Mutuelle générale des personnels des collectivités
                             locales, n° 68166 ;
                             le recours pour excès de pouvoir contre tout autre acte en rapport avec le contrat. On ne
                             peut invoquer, le cas échéant, que les dispositions réglementaires dudit contrat : CE, 21
                             décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-
                             Tivoli.

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            b  - Le recours en appréciation de légalité       5
                   Ici, le juge est seulement invité à se prononcer sur la légalité d'un acte administratif, sur sa
            conformité au droit objectif ; il ne lui est pas demandé de l’annuler comme dans le cas du recours
            pour excès de pouvoir.



            1  Ces deux arrêts statuaient sur des recours formés contre des décisions rendues en dernier ressort par des jurys de
            révision de la garde nationale - Édouard Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux,
            Berger-Levrault et Cie, Libraires-éditeurs, Paris et Nancy, 1896, 2  édition, T. II, p. 402, note 1.
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            2  Raymond Odent, op. cit. p.1024
            3  Ibid. p.1026
            4  Faisant évoluer sa jurisprudence, le Conseil d'État réuni estime désormais qu'un désistement a en principe le caractère
            d'un désistement d'instance et non celui d'un désistement d'action. Il n'en va autrement que si le caractère de désiste-
            ment d'action résulte sans aucune ambiguïté des écritures du requérant - CE, Sect., 1er octobre 2010, M. et Mme Rigat,
            n°314297.
            5  Classé par certains dans le contentieux de pleine juridiction.
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