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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  50/63

                     3. elle facilite la tâche du juge puisque, en raison de l’obligation où se trouve le requérant
                  d’attaquer une décision, le débat contentieux est limité au contenu de cette décision qui précise
                  le litige à trancher et en détermine l’étendue. » 1
                   La décision déférée au juge peut être explicite ou implicite, verbale ou écrite, négative ou
            positive.
                   La règle de la décision préalable s'applique aussi bien au contentieux de l’excès de pouvoir
            qu'au contentieux de pleine juridiction.
                   Son respect par le requérant ne pose aucun problème dans le cas du recours pour excès de
            pouvoir. En effet, ce recours vise à obtenir l'annulation d'une décision, qui, par définition, existe tou-
            jours - encore faut-il pouvoir la produire ou prouver son existence.
                   Dans le cas du recours de pleine juridiction, notamment dans le cas d’un contentieux in-
            demnitaire, son application est plus délicate.

                   Le second alinéa de l’article R.421-1 du code de justice administrative (CJA) dispose :
                   « Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après
            l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée de-
            vant elle. »

                     9 Exemple : Un administré estime avoir subi un préjudice du fait de l'administration. Il souhaite
            en obtenir réparation. Avant de saisir le juge d'un recours de plein contentieux, la règle de la décision préa-
            lable l’incite à demander réparation à l'administration. Par une décision implicite ou explicite, l'administra-
            tion se prononcera sur cette demande. Si cette décision ne satisfait pas l'administré, celui-ci pourra enfin
            saisir le juge - en principe, dans un délai de deux mois. On dit que par sa décision l'administration a lié le
            contentieux, c’est-à-dire qu’elle a rendu le litige effectif.
                  Dans l’exemple ci-dessus, la démarche de l’administré est conforme à la lettre du second alinéa
            de l’article R.421-1 du CJA.
                  Toutefois, le Conseil d’État a précisé de manière assez libérale les modalités d’application du
            second alinéa précité de l’article R.421-1 du code de justice administrative : CE,  Sect.,  Avis  du  27
            mars 2019, n° 426472.
                  En effet, le Conseil d’État estime que si un administré introduit un contentieux indemnitaire
            devant les juridictions administratives alors qu’il n’a pas effectué un recours préalable, il pourra ré-
            gulariser son action en effectuant une demande indemnitaire auprès de l’administration durant le
            cours de l’instance. Toutefois, la décision expresse ou implicite de l’administration doit intervenir
            avant la date à laquelle le juge statue .
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                  Malgré cette interprétation libérale, on peut dire que l’obligation de liaison préalable du con-
            tentieux, qui impose au requérant d’avoir fait naître une décision de rejet de l’administration avant de
            saisir le juge, a été étendue par le décret dit JADE (« Justice administrative de demain ») du 2 no-
            vembre 2016.




            1  Raymond Odent, op. cit. pp.950-951
            2  « […] les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condi-
            tion de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son
            introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a
            pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle déci-
            sion en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et
            alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. »
            - CE, Sect., 27 mars 2019, n° 426472.
            Est  ainsi  remise  au  goût  du  jour  la  solution  issue  de  la  décision  CE,  11  avril  2008, Établissement français du sang c/
            Ferrier, n° 281374.
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