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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  52/63

                   Pour saisir valablement le juge administratif, il faut justifier d’un intérêt à agir que ne confère
            pas la seule qualité de citoyen ou d’administré. Écarter ce principe reviendrait à engorger les juridic-
            tions.
                   Dans le cadre du contentieux de la responsabilité, le requérant doit invoquer la lésion d’un
            droit. Il s’agit là d’une exigence rigoureuse mais claire.
                   Il en va autrement dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Dans ce contentieux, l’apprécia-
            tion de l’intérêt à agir a donné lieu à une jurisprudence toute en nuances.


                ***Développements additionnels utiles (TD, concours, etc.) mais exclus des révisions***
            [DÉBUT]

                   Tout d’abord, l’intérêt à former un recours pour excès de pouvoir s’apprécie :
                     1. à la date de l’introduction du recours,
                     2. par rapport aux conclusions de la requête et non aux moyens, sauf en cas de compétence liée - Cf.
                        infra ;
                     3. par rapport au dispositif et non aux motifs de la décision attaquée. Le dispositif de la décision doit
                        faire grief au requérant. Autrement dit, il faut que « la décision ait pour le requérant des consé-
                                                                                1
                        quences fâcheuses, qu'elle présente pour lui des inconvénients. »  Par exemple, un requérant n’est
                        pas recevable à solliciter l’annulation d’une décision qui fait entièrement droit à une demande ou
                        à une réclamation qu’il a formulée. Bien entendu, une satisfaction seulement partielle l’autorise
                        à former un recours pour excès de pouvoir.
                   Ensuite, l’intérêt à agir peut être moral ou matériel, actuel ou futur - mais suffisamment probable et
            précis. Bien évidemment, le juge exige qu’il soit personnel.

                   Toutefois, si l’existence d’un intérêt froissé est une condition nécessaire, elle ne suffit pas. La décision
            litigieuse doit faire grief au requérant dans une qualité reconnue par le juge comme rendant son recours
            recevable. Cette qualité se dérobe à toute définition ou systématisation doctrinale. Seuls des exemples tirés de
            la jurisprudence permettent de s’en faire une idée :
                     1. Un contribuable de l’État ne peut, en cette qualité, attaquer une décision intéressant les finances
                        de l’État - CE, 13 février 1930, Dufour (Rec. p.176) ;
                     2. En revanche, les contribuables des collectivités territoriales sont recevables à attaquer les déci-
                        sions intéressant les finances locales : pour les contribuables communaux, CE, 29 mars 1901, Ca-
                        sanova, n° 94580 (Rec. p.333) ; pour les contribuables départementaux, CE, 27 janvier 1901, Ri-
                        chemond  (Rec. p.105, conclusions Helbronner) ; pour les contribuables coloniaux, CE, 24 juin
                        1932, Galandou Diouf et Martin (Rec. p.626).
                        La différence de traitement entre les contribuables locaux et les contribuables de l’État s’explique
                        largement par le souci d’éviter l’action populaire et son corollaire l’encombrement des juridic-
                        tions ;
                     3. La qualité d’usager d’un service public permet de former un recours contre les mesures relatives
                        au fonctionnement de ce service - CE, 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contri-
                        buables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli, n° 19167 (Rec. p.962, conclusions Romieu).


                   Une fois reconnus l’intérêt et la qualité, le juge observera : le requérant justifie d’un intérêt lui
            donnant qualité à agir.
                   Cette formule montre l’ambivalence de la notion de qualité. En effet, la qualité désigne
                        soit la situation, la qualité dans laquelle la décision litigieuse lèse le requérant : qualité de contri-
                        buable communal, d’usager d’un service public, etc. - voir ci-dessus ;
                        soit la possibilité juridique résultant du fait que le requérant est lésé à un titre qui rend recevable
                        son recours : qualité à agir.
                   Afin d’éviter toute ambiguïté, on pourrait dire tout simplement, comme on l’a fait au début de ces
            développements
                        que la recevabilité de la requête est subordonnée à l’existence d’un intérêt à agir



            1  Raymond Odent, op. cit. p.1624
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