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Les juges de l’action administrative 2021- 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  65/63

                   Le juge statue en premier et dernier ressort sur la demande de suspension ; son ordonnance ne peut
            donc faire l’objet, le cas échéant, que d’un pourvoi en cassation (devant le Conseil d’État).
                   Par rapport à l'ancien sursis à exécution – qu'il remplace – le référé-suspension présente un double
            avantage :
                     1. il n'y a plus aucune condition liée au préjudice difficilement réparable (mais il faut qu'il y ait
                        urgence),
                     2. le juge n'aura pas besoin non plus de faire un examen très approfondi de la requête pour savoir si
                        ce moyen est sérieux – le doute suffit. Ainsi pourra-t-il se prononcer beaucoup plus rapidement.
                   Pour apprécier l'intérêt du référé-suspension, il faut se souvenir que, dans la procédure administrative
            contentieuse, les recours n'ont pas d'effet suspensif.

                    9 Exemple 1 : M. Alpha demande, par la voie du recours pour excès de pouvoir, au juge l'an-
                        nulation, pour illégalité, de la décision que l'administration a prise à son encontre. Avant
                        que le juge ne statue sur ce recours pour excès de pouvoir, l'administration a le droit
                        d'exécuter sa décision. En effet, l'exercice du recours pour excès de pouvoir ne suspend
                        pas l'exécution de la décision litigieuse.

                   Deux considérations justifient cette absence d'effet suspensif :
                     1. la présomption de légalité dont bénéficient les décisions administratives (on présume qu'une dé-
                        cision administrative est légale mais il s'agit, bien sûr, d'une présomption simple)
                     2. et le souci de l'efficacité de l'action administrative (Que penser d'une administration dont l'action
                        serait paralysée par le moindre recours ?)
                   L'inconvénient majeur de ce principe saute aux yeux : une décision que le juge tiendra pour illégale
            des années après l'introduction du recours peut avoir été appliquée par l'administration et causé au requérant
            un préjudice insupportable.
                   Voilà pourquoi on a institué le mécanisme du sursis à exécution rebaptisé aujourd'hui référé-suspen-
            sion.
                    9 Exemple 2 : M. Alpha demande, par la voie du recours pour excès de pouvoir, au juge l'an-
                        nulation, pour illégalité, de la décision que l'administration a prise à son encontre. Il sait
                        que l'exercice de ce recours n'empêchera pas l'administration d'exécuter l'acte litigieux
                        en attendant la décision du juge. En conséquence, parallèlement à son recours pour excès
                        de pouvoir, M. Alpha va demander au juge des référés, par une requête distincte, la sus-
                        pension provisoire de l'acte litigieux. Le jugera fera droit à sa demande si deux conditions
                        sont réunies :
                         1. l'urgence (dans l'ancien sursis à exécution, on exigeait un préjudice difficile-
                            ment réparable)
                         2. et l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de ladite décision.

                   Si la suspension est prononcée, la juridiction administrative statuera sur le recours pour excès de pou-
                   voir de M. Alpha dans les meilleurs délais. La suspension prendra fin au plus tard lorsqu'il sera statué
                   sur ce recours pour excès de pouvoir.
                                                            *
                   À noter que le préfet, agissant dans le cadre du déféré, obtient plus facilement la suspension qu'un
            requérant ordinaire :
                     1. dans le contentieux général, une seule condition est exigée pour qu'il soit fait droit à sa demande :
                        l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ;
                     2. en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public, aucune condition n'est
                        exigée : sa demande de suspension formulée dans les dix jours à compter de la réception de l'acte
                        entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le
                        juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire ;
                     3. lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou indivi-
                        duelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la
                        suspension dans les quarante-huit heures.
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