Page 2 - td_ctxinter_2_rgmtcharteps_2021-2022
P. 2

TD - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  2/10

            Cela devait arriver. À force de briller dans les joutes oratoires tant prisées des internationalistes en
            herbe, vous avez attiré sur vous l’attention – comment dire ? – fort rémunératrice de l’Attorney Ge-
            neral de l’Ervanistan :

            « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doi-
            vent être élevées les défenses de la paix. Belle profession de foi que ces mots sur lesquels s’ouvre le
            préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO. Les États représentés à l’Assemblée générale des Na-
            tions Unies les ont sans doute à l’esprit lorsque, par la résolution 62/4 du 31 octobre 2007, ils deman-
            dent "instamment aux États Membres, agissant dans l’esprit de la Charte des Nations Unies, d’obser-
            ver  la trêve olympique individuellement et collectivement pendant que se déroulera à Beijing la
            XXIXe Olympiade, dont l’idéal repose sur le slogan Un seul monde, un seul rêve".
            Hélas !, trois fois hélas, notre pays, l’Ervanistan, a pour voisin l’Hyderaban, un État gouverné par des
            hommes sans foi ni loi qui pensent – si l’on peut dire – que le sport n’est que la continuation de la
            politique par d’autres moyens et que seuls les pires cauchemars sont dignes de leur intérêt. Cela dit,
            l’Hyderaban, le seul État de la région à n’avoir pas adhéré aux Nations Unies, est tout de même partie,
            comme l’Ervanistan, à un accord régional pour le règlement pacifique des différends relatifs aux
            objets cultuels.

            Au vu de ce qui précède, vous comprendrez aisément que vous aurez besoin de toute votre attention
            pour nous aider à régler honorablement le différend qui oppose notre cher vieil Ervanistan à l’Hyde-
            raban. Et pourtant, les faits pertinents de l’espèce sont d’une banalité affligeante.

            Le 15 août 2008, à 6:00, une escadre de navires de guerre hyderabanais, composée des croiseurs
            Janata Dal et Lal Bahadur et des contre-torpilleurs Gowda et Bihari, quitte le port hyderabanais de
            Kabantor et met le cap sur le nord-est. Le croiseur Janata Dal était en tête, suivi du contre-torpilleur
            Gowda ; derrière eux, à une certaine distance, le croiseur Lal Bahadur précède le contre-torpilleur
            Bihari. A 15:00, le Lal Bahadur heurte une mine et est gravement avarié. Le Bihari, envoyé à son
            aide, reçoit l'ordre de le remorquer. En procédant à la manœuvre, le Bihari heurte une mine et subit
            de sérieux dommages. Il réussit néanmoins à remorquer l'autre navire et à le ramener à Kabantor.

            Le lendemain, les autorités hyderabanaises mettent sur pied une commission d’enquête qui, faisant
            montre d’une célérité inouïe, rend son rapport le même jour : les explosions se sont produites dans
            les eaux territoriales de l’Ervanistan où les navires hyderabanais exerçaient paisiblement le droit de
            passage inoffensif que leur reconnaît le droit international public tant coutumier que conventionnel.
            Sachant que tout État a des droits souverains et donc un contrôle total sur ses eaux territoriales, le
            mouillage des mines n’a pu être effectué que sur l’ordre formel ou avec la complicité des autorités de
            l’État d’Ervanistan. En foi de quoi, le gouvernement hyderabanais somme le gouvernement ervanis-
            tanais de réparer les préjudices causés par ses actes internationalement illicites.


            Le 17 août 2008, une enquête diligentée par les autorités de mon pays, l’Ervanistan, établit, en moins
            de 10 heures, une tout autre version des faits : les explosions ont eu lieu dans les eaux internationales,
            autrement dit en dehors de toutes les zones que le droit international public place sous la souveraineté
            ou le contrôle de l’Ervanistan. Au surplus, il est constant que le mouillage des mines en haute mer est
            le fait de séparatistes ervanistanais auxquels l’Hyderaban n’a jamais ménagé son soutien, au mépris
            du sacro-saint principe de non-ingérence. Par ses accusations dénuées de tout fondement, l’Hydera-
            ban porte atteinte à l’honneur et aux intérêts d’un État qui tire une part substantielle de ses revenus
            du commerce maritime. Réparation est due à l’Ervanistan, et non l’inverse.

            Griefs formulés et rejetés de part et d’autre. Vous l’aurez deviné, un différend est né qui oppose
            l’Ervanistan à l’Hyderaban – passez-moi cette tournure archaïque.
            Le 19 août 2008, le Premier ministre du Népal – surnommé dans la région "le pompier-pyromane de
            la communauté internationale" – offre ses bons offices. A la surprise générale, les gouvernements
   1   2   3   4   5   6   7