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TD – 2022-2023 – www.lex-publica.com – © M. Coulibaly             10/17
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                        Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés

                                 Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État


                     (Intervention à l'Institut Portalis, Aix-en-Provence, Vendredi 17 mars 2017)


            « La police ne doit pas tirer sur les moineaux à coups de canon ».

            Cette expression imagée du principe de proportionnalité, que l’on doit au juriste allemand
            Fleiner, place au cœur de cette notion celles, associées, de mesure et d’harmonie.
            La proportion procède de l’idée de la mise en relation de plusieurs éléments ou ordres de
            données ou de grandeur plus ou moins antagonistes, en quête de cet idéal d’harmonie.
            En droit aussi, ces rapports de proportion existent et doivent être recherchés ou poursuivis.
            La relation entre l’individu et la société ou l’État n’est-elle pas celle d’un équilibre à atteindre
            entre les droits du premier et le service de l’intérêt général ?
            Plus encore, la proportion est, selon Aristote, la traduction du juste, dès lors que « le juste
            est un milieu entre des extrêmes qui, autrement, ne seraient plus en proportion ».

            La proportionnalité est, par conséquent, un « mécanisme de pondération entre des principes
            juridiques de rang équivalent, simultanément applicables mais antinomiques », qui s’affirme
            naturellement à la fois comme le garant des libertés individuelles et celui d’autres buts légi-
            times, comme la sauvegarde de l’intérêt général et, notamment, la protection de l’ordre pu-
            blic ou l’efficacité de l’action publique.

            L’équilibre entre ces deux branches est affaire de proportion ou de juste milieu, pour para-
            phraser Aristote.
            Le contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif s’est intensifié sous l’effet de
            la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’observation des autres
            droits nationaux.

            En effet, si depuis les décisions Abbé Olivier et Benjamin, la logique de proportionnalité est
            présente en droit administratif, c’est la décision Association pour la promotion de l’image
            de 2011 qui a formellement transposé en droit français le raisonnement en trois étapes
            emprunté au droit allemand.

            Dans cette décision, le Conseil d’État s’est approprié, à la suite du Conseil constitutionnel,
            le triple test de l’adaptation, de la nécessité et de la proportionnalité, qui émerge comme le
            standard international ou, à tout le moins, européen en la matière.

            Ce changement est cependant plus formel que substantiel, dès lors que le Conseil d’État
            opérait déjà un contrôle resserré en matière de restriction des droits et libertés, mais le
            passage au triple test de proportionnalité permet de mieux expliciter le raisonnement suivi
            et d’exercer, de manière plus fine et plus ciblée, le contrôle de la décision administrative
            contestée.
                    ŹVersion intégrale de cette intervention de Jean-Marc Sauvé : cliquer ici


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