Page 8 - sources_dag_2020-2021
P. 8

La problématique des sources de la légalité 2021 - 2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 8/66
                              Considérations sur la hiérarchie des normes :


               Ź On donne la qualification d’ordre juridique interne à l’ensemble que constituent les règles (ou
            normes) en vigueur dans un État, parce que cet ensemble est un tout structuré et hiérarchisé, donc un
            tout qui représente plus que la simple somme de ses parties.

               Ź Nul n’a su mieux que Hans Kelsen défendre et illustrer cette conception qui préside à l’organi-
            sation des États modernes :
                  « L'ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques placées toutes au même
                  rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie formée
                  (pour ainsi dire) d'un certain nombre d'étages ou couches de normes juridiques. Son
                  unité résulte de la connexion entre éléments qui découle du fait que la validité d'une
                  norme qui est créée conformément à une autre norme repose sur celle-ci ; qu'à son
                  tour, la création de cette dernière a été elle aussi réglée par d'autres, qui constituent à
                  leur tour le fondement de sa validité […] » 1
               ¾ Si l’on suit le maître de l’École de Vienne, la quintessence même du principe de légalité découle
            du caractère hiérarchique de l’ordre juridique :
                  « [E]n accord avec le caractère dynamique de l'unité des ordres juridiques, une norme
                  est valable si et parce qu'elle a été créée d'une certaine façon, celle que détermine une
                  autre norme ; cette dernière constitue ainsi le fondement immédiat de la validité de la
                  première. Pour exprimer la relation en question, on peut utiliser l'image spatiale de la
                  hiérarchie, du rapport de supériorité-subordination : La norme qui règle la création est
                  la norme supérieure, la norme créée conformément à ses dispositions est la norme in-
                  férieure. » 2

            Chaque norme doit être posée dans le respect des normes qui lui sont supérieures dans la hié-
            rarchie des normes.
            Il est difficile de donner une définition plus adéquate du principe de légalité.

               Ź La métaphore de la pyramide (base large, sommet étroit) rend bien deux idées correspondant
            à la même réalité :
                  x soit l’idée qu’à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des normes, les règles deviennent
            de plus en plus en abstraites, et se raréfient au point de déboucher sur une seule constitution,
                  x soit l’idée, inverse, qu’à mesure que l’on descend dans cette même hiérarchie, les règles de-
            viennent de plus en plus concrètes et se multiplient, de telle sorte qu’en dernière analyse l’observateur
            est confronté à des centaines de milliers d’actes administratifs.
               Ź En France, la Constitution occupe le sommet de la pyramide normative ; selon les jurispru-
            dences constitutionnelle, administrative et judiciaire, elle ne cède cette première place
                  x ni au droit international (CE, Ass., 30 octobre 1998, MM. Sarran, Levacher et autres,
            n° 200286 et 200287 ; Cass. Ass. plén. 2 juin 2000, Pauline Fraisse, Bull. Ass. plén. n° 4, p. 7) ;
                  x ni au droit de l’Union européenne (Conseil constitutionnel, décision n° 2004-505 DC du 19
            novembre 2004, Traité établissant une constitution pour l'Europe ; CE, 3 décembre 2001, Syndicat
            national de l’industrie pharmaceutique et autres, n° 226514).
                 Du reste, en vertu de l’article 54 de la Constitution, si un « engagement international comporte
            une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement inter-
            national en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ». Une disposition que l’on


            1  Hans Kelsen, Théorie pure du droit.
            2  Kelsen, op. cit.
   3   4   5   6   7   8   9   10   11   12   13