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Contentieux inter. 2017-2018 : CHAPITRE IV - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly
En conséquence, l'interprétation donnée par le juge interne ne peut être classée, au
mieux, que dans la catégorie des interprétations unilatérales.
En France traditionnellement, le juge administratif ne se reconnaissait pas le pouvoir
d'interpréter les traités internationaux - C.E., 23 juillet 1823, Dame veuve Murat. Une telle
question était pour lui une question préjudicielle. Il devait surseoir à statuer jusqu'à ce que le
ministre des Affaires étrangères lui communiquât le sens du traité. Et l'interprétation donnée
par le ministre était considérée comme un acte de gouvernement - donc insusceptible de recours.
Cette jurisprudence jugée peu compatible avec la Convention européenne des droits de
l'homme a été solennellement abandonnée : C.E., Ass., 29 juin 1990, G.I.S.T.I.
Mais, en dépit de cette évolution, on doit souligner que l'interprétation faite par le juge
national reste une interprétation unilatérale. Et l'interprétation unilatérale, loin de mettre fin au
contentieux international de l'interprétation, est plutôt de nature à le cristalliser.
II - Les méthodes interprétatives
A - La délimitation théorique du travail interprétatif
1 - La distinction des sens posé, présupposé et sous-entendu
Interpréter, c'est rechercher le sens d'un énoncé.
Simple en elle-même, cette définition dissimule la complexité de la question du sens.
Comme l'ont montré les travaux de linguistes considérables, le mot de sens a plusieurs…
sens. Par ce terme, on vise tantôt le sens posé, tantôt le sens présupposé, ou encore le sens sous-
entendu. Le sens posé, c'est ce qui est dit ou écrit, le sens présupposé, ce qui est impliqué par
le dit ou l'écrit.
Le posé relève de l’explicite, le présupposé et le sous-entendu de l’implicite.
Plus précisément, les présupposés sont des informations qui, sans être ouvertement po-
sées (pas véritable objet du message à transmettre) sont cependant automatiquement entraînées
par la formulation de l'énoncé dans lequel elles se trouvent intrinsèquement inscrites.
Si on les rapproche des sous-entendus - autre variété d’implicites - leur particularité
apparaîtra mieux, par contraste.
En effet, les sous-entendus se caractérisent par leur instabilité et par le fait qu'ils résul-
tent d'un calcul interprétatif plus ou moins assuré.
Oswald Ducrot propose des critères opérationnels permettant de distinguer, dans les
énoncés, le posé, le présupposé et le sous-entendu.
On dira qu'un énoncé A présuppose la signification exprimée par l'énoncé B si, d'une
part l'énoncé A contient toutes les informations véhiculées par l'énoncé B et si, d'autre part la
phrase interrogative Est-ce que A ? ou la phrase négative Il est faut que A comportent encore
ces mêmes informations.
Exemple : l'article 2 paragraphe 7 de la charte des Nations Unies : “Aucune disposition
de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des
affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte. ”
Sans trop de peine, on est à même d'en extraire les contenus implicites suivants :
1 - la reconnaissance d'un domaine réservé au profit des États
2 - l'existence d'un domaine d'intervention de l'ONU
3 - l'impossibilité pour l'ONU d'intervenir dans le domaine réservé des États