Page 8 - Introduction générale 2021-2022
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Introduction générale 2021-2022 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly  8/51
               ►    Obstacles à l’instauration de l’État de droit


               Deux observations permettent de mesurer l’ampleur de la tâche consistant à instaurer l’État de
               droit :

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                   1  observation. Il est souvent admis, sans objection sérieuse, que l’État est fondé à soumettre
            au droit le comportement et la situation des particuliers (vous, moi, etc.) À preuve, la plénitude
            matérielle, spatiale et temporelle du droit privé. En d’autres termes, le droit privé, dont la vocation
            principale est de régir les rapports entre particuliers, est fort répandu ; on le qualifie d’ailleurs de
            droit commun. Bref, on trouve naturel que l’État impose le respect du droit aux particuliers. Cela
            semble aller de soi.

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                   2  observation. En revanche, on trouve rarement naturel d’imposer le respect du droit à
            l’État. Cela ne semble pas aller de soi. Or c’est en partie cela l’État de droit (Cf. définition donnée
            plus haut). En fait, la volonté de soumettre au droit l'État lui-même, donc d’instaurer l’État de droit,
            se heurte à deux objections qui, quelque sérieuses qu’elles paraissent, ne sont dirimantes (ne consti-
            tuent des obstacles) que si l’on conçoit, à tort d’ailleurs, l’État comme un bloc monolithique.
                     o La première objection est tirée de la nature des choses : Comment imposer le respect du
            droit à l’État, cette institution qui détient le monopole de la violence légitime ? Si l’État ne respecte
            pas le droit, peut-on utiliser la force contre l’État, sachant que le recours à la force pour faire respecter
            le droit est en principe l’apanage de l’État ? Voilà une vraie impasse logique !
                     o La seconde objection révèle également une impasse logique (on dit aussi une aporie) :
            Pour une très large part, le droit procède de la volonté de l’État ; par conséquent, vouloir soumettre
            l’État au droit serait une vaine entreprise, puisque cela reviendrait à vouloir assujettir l’État à sa propre
            volonté.
                  Pourtant, imposer le respect du droit à l’État et, d’une manière générale, aux pouvoirs publics,
            aux autorités administratives (Président de la République, Premier ministre, ministres, maires, préfets,
            présidents d’université, etc.) constitue l'objet et la raison d'être du droit administratif (et des autres
            branches du droit public).
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                  Ainsi donc, asseoir et affermir l’État de droit sont la vocation naturelle du droit administratif.

                  Mais il faut se garder d’établir une relation d’identité parfaite entre droit administratif et État
            de droit, même si le premier tient largement les promesses du second.
                  Autrement dit, l’existence, dans un pays donné, d’un droit administratif constitue souvent un
            grand pas vers l’État de droit, mais il peut y avoir État de droit sans droit administratif, tout comme
            on peut concevoir qu’il y ait droit administratif sans État de droit.
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              ►   Contrôle juridictionnel de l’administration : deux solutions possibles


                  En fait, quel que soit le pays, lorsque l’on y entreprend de soumettre l’administration (c’est-à-
              dire, ici, l’ensemble formé par les autorités que sont le Président de la République, le Premier mi-
              nistre, les ministres, les maires, les préfets, les présidents d’université, etc.) au droit et donc au
              contrôle du juge (contrôle juridictionnel), deux solutions sont, théoriquement, envisageables :

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                   1  solution. On décide de confier le contrôle juridictionnel de l’administration au juge or-
            dinaire (c’est-à-dire au juge judiciaire, à un juge qui est le même pour tout le monde), un juge qui
            applique en principe le droit privé (appelé aussi droit commun). Dans ce cas, il n’y a pas de privilège
            de juridiction en faveur de l’administration puisque celle-ci relève du même juge que les particuliers ;
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