Page 12 - chapitre_3a_ctx_2021-2022
P. 12
CHAPITRE III 1/2 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 12/33
La Cour permanente de Justice internationale (CPJI) l’avait affirmé avec force le 26 juillet 1927
dans l’affaire relative à l’Usine de Chorzów :
« C'est un principe de droit international que la violation d'un engagement entraîne l'obliga-
tion de réparer dans une forme adéquate. La réparation est donc le complément indispen-
sable d’un manquement à l'application d'une convention, sans qu'il soit nécessaire que cela
soit inscrit dans la convention même. » 1
De même, dans l’affaire du Rainbow Warrior, le Tribunal arbitral a considéré :
« Toute violation par un État d’une obligation, quelle qu’en soit l’origine, engage la responsa-
bilité de cet État et entraîne, par conséquent, le devoir de réparer. » 2
¾ Quelques principes bien établis permettent de comprendre l’illicéité internationale.
1. La qualification du fait d’un État comme internationalement illicite relève du droit inter-
national. Une telle qualification n’est pas affectée par la qualification du même fait comme licite par
le droit interne.
3
La CPJI a admis ce principe dès son premier arrêt (Affaire du Vapeur Wimbledon ), et plus
nettement encore dans son avis consultatif relatif au Traitement des nationaux polonais :
« [D]'après les principes généralement admis, un État ne peut, vis-à-vis d'un autre État, se
prévaloir des dispositions constitutionnelles de ce dernier, mais seulement du droit interna-
tional et des engagements internationaux valablement contractés, […] inversement, un État
ne saurait invoquer vis-à-vis d'un autre État sa propre Constitution pour se soustraire aux
obligations que lui imposent le droit international ou les traités en vigueur. » 4
2. Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est
pas conforme à ce qui est requis de lui en vertu de cette obligation.
L’origine coutumière, conventionnelle ou autre, de l’obligation internationale violée par un État
est sans effet sur la responsabilité de cet État.
L’illicéité peut consister dans la violation d’une obligation de résultat ou de moyens, d’une
obligation d’action ou d’abstention.
3. Le fait de l’État ne constitue la violation d’une obligation internationale que si l’État est
lié par ladite obligation au moment où le fait se produit – principe de non-rétroactivité.
Autrement dit, pour que la responsabilité d’un État soit engagée, il faut que la violation ait eu
lieu au moment où l’État était lié par l’obligation. Il s’agit là de l’application dans le domaine de la
responsabilité des États du principe général du droit intertemporel (ou principe de l’intertempora-
5
lité) , tel qu’il a été énoncé, le 4 avril 1928, par l’arbitre Max Huber dans un autre contexte, dans
l’affaire de l’île de Palmas :
« [U]n fait juridique doit être apprécié à la lumière du droit de l’époque et non pas à celle du
droit en vigueur au moment où surgit ou doit être réglé un différend relatif à ce fait » - Recueil
des sentences arbitrales, vol. II (1949), p. 845.
Toutefois, le fait de l’État qui, au moment où il a été accompli, n’était pas conforme à ce qui
était requis de lui par une obligation internationale en vigueur à l’égard de cet État n’est plus considéré
1 Affaire relative à l’usine de Chorzów, demande en indemnité, compétence, arrêt du 26 juillet 1927, C.P.J.I., série A,
n° 9, p. 21.
2 Affaire du Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande/France), sentence du 6 juillet 1986, Nations Unies, Recueil des sen-
tences arbitrales (RSA), vol. XX (1990), p. 251, par. 75.
3 Affaire du vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, C.P.J.I., série A, n° 1.
4 Traitement des nationaux polonais et des autres personnes d’origine ou de langue polonaise dans le territoire du Dant-
zig, avis consultatif du 4 février 1932, C.P.J.I, série A/B, n° 44, p. 4.
5 T. O. Elias, «The Doctrine of Intertemporal Law», A.J.I.L., vol. 74 (1980), p. 285; R. Higgins, «Time and the Law», I.C.L.Q.,
vol. 46 (1997), p. 501.