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CHAPITRE III 1/2 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 10/33
La dernière phrase de la citation est une prise de distance de la Chambre du TPI à l’égard de la
Cour internationale de Justice, qui avait exigé un contrôle étroit de l’État sur les personnes privées
dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
6. Un comportement que l’État reconnaît et adopte comme étant sien.
Dans ce cas de figure, la volonté de l’État d’endosser un fait qui ne lui est pas normalement
attribuable se manifeste par des actes d’approbation ou d’encouragement à l’égard de personnes pri-
vées.
Par exemple, dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran,
la Cour internationale de Justice a considéré :
« La politique ainsi annoncée par l’ayatollah Khomeini, consistant à maintenir l’occupation
de l’ambassade et la détention des otages afin de faire pression sur le Gouvernement des
États-Unis, a été appliquée par d’autres autorités iraniennes et appuyée par elles de façon
réitérée dans des déclarations faites à diverses occasions. Cette politique a eu pour effet de
transformer radicalement la nature juridique de la situation créée par l’occupation de l’am-
bassade et la détention de membres de son personnel diplomatique et consulaire en otages.
L’ayatollah Khomeini et d’autres organes de l’État iranien ayant approuvé ces faits et décidé
de les perpétuer, l’occupation continue de l’ambassade et la détention persistante des
otages ont pris le caractère d’actes dudit État. »
7. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel qui soit devient le nouveau gou-
vernement de l’État, soit parvient à créer un nouvel État sur une partie du territoire de l’État ou sur
un territoire sous son administration.
¾ Ici, il convient de distinguer le principe de l’exception.
7.1 Le principe : le comportement d’un mouvement insurrectionnel n’est pas attribuable
à l’État. La justification de ce principe réside dans l’hypothèse que les structures et l’organisation
d’un mouvement insurrectionnel sont et demeurent indépendantes de celles de l’État. Une hypothèse
que l’on tient pour vérifiée lorsque l’État écrase l’insurrection.
7.2 L’exception : l’imputation à l’État du comportement antérieur du mouvement insur-
rectionnel lorsque celui-ci triomphe trouve sa justification, en droit international, dans le postulat de
la continuité entre le mouvement et le gouvernement qui en émane.
La jurisprudence arbitrale internationale confirme cette analyse.
7.2.1 Affaire de la Bolivar Railway Company, 1903 : « L’État est responsable des obliga-
tions d’une révolution victorieuse, et cela dès ses débuts, car en théorie elle représente ab initio un change-
1
ment de la volonté nationale, cristallisé par le résultat favorable final. » - RSA, vol. IX, p. 453.
7.2.2 Affaire de la French Company of Venezuela Railroads (Commission mixte
France-Venezuela), 31 juillet 1905 : « Si les dommages trouvent leur origine, par exemple, dans des réqui-
sitions ou contributions forcées réclamées […] par les révolutionnaires avant leur triomphe final, ou qu’ils
aient été causés […] par des délits commis par les forces révolutionnaires victorieuses, la responsabilité de
l’État ne saurait […] être niée. » - RSA, vol. X, p. 353.
¾ Pour que la responsabilité de l’État soit engagée, il faut donc qu’un fait lui soit attribuable (ou
imputable, les deux termes étant synonymes ici) dans l’une quelconque des circonstances décrites ci-
dessus.
¾ Nécessaire, cette condition n’est pas suffisante : le fait de l’État doit également être internatio-
nalement illicite. Il s’agit là de la deuxième condition ; elle retiendra notre attention dans les lignes
qui suivent.
1 “The nation is responsible for the obligations of a successful revolution from its beginning, because in theory, it
represented ab initio a changing national will, crystallizing in the finally successful result.”