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Le règlement arbitral – 2022-2023 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly                22/37


            A – Forme juridique

            1 – L’arbitrage unipersonnel

            „ Dans cette hypothèse, un arbitre unique dit le droit. Naguère, il tirait son autorité de sa qualité
            de chef d’État, d’où les dénominations d’arbitrage par chef d'État, d’arbitrage royal ou d’arbi-
            trage par souverain.

            Essentiellement européen, ce type d’arbitrage se rattache à l’idée d’une justice hiérarchique. Il
            a revêtu deux formes successives :

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            {Au moyen âge, le Pape et l’Empereur (du Saint Empire romain germanique) se disputent la
            prééminence politique en Europe. Il est donc tout naturel de prendre l'un ou l'autre comme
            arbitre. Ainsi, l'arbitrage par chef d’État a-t-il un fondement positivement hiérarchique. L'arbi-
            trage de l'Empereur ou du Pape est le jugement du supérieur temporel ou spirituel ;

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            {Au XVIIème siècle, le Saint Empire romain germanique se décompose, en même temps que
            s'affirment la monarchie absolue et la notion d'État princier. Le Pape et l'Empereur perdent de
            leur autorité temporelle. La Guerre de Trente Ans se termine par les traités de Westphalie des
            14-24 octobre 1648 : traité d’Osnabrück, traité de Munster, véritable charte constitutionnelle
            de l’Europe.
            Les relations internationales sont désormais fondées sur le principe de l’égalité souveraine,
            comme l’a pressenti Jean Bodin dans Les six livres de la République. Chacun des rois est devenu
            « empereur en son royaume » – adage énoncé sous Philippe le Bel, au début du XIVe siècle.
            Au jugement par les supérieurs succède le jugement par les pairs.

            „ Formellement unipersonnel, l'arbitrage par chef d'État est presque toujours matériellement
            collégial. Bien souvent, l'arbitrage attribué à un chef d'État émane en réalité du gouvernement
            in corpore.

              9 Exemples :
                ƒ l'arbitrage du Tsar Alexandre III entre la France et les Pays-Bas au sujet de la frontière
                   des deux Guyane - sentence des 13 - 25 mai 1891 ;

                ƒ l'arbitrage du roi d'Italie entre la France et le Mexique dans l'affaire de l'île de Clipperton
                   - sentence du 28 janvier 1931 ;
                ƒ l’arbitrage de la reine Élisabeth II dans le différend frontalier opposant l’Argentine et le
                   Chili - sentence, 9 décembre 1966 ;
                ƒ Sur le fondement de l'uti possidetis de 1819, l'arbitrage du roi d'Espagne a souvent été
                   sollicité par les États latino-américains. Cf., par exemple, Honduras c/ Nicaragua : sen-
                   tence du 23 décembre 1906, contestée devant la Cour internationale de Justice, arrêt du
                   18 novembre 1960.

            „ L'arbitrage par chef d'État suscite toujours des controverses.
             On lui reconnaît certes un avantage : la sentence revêt une autorité politique et morale cer-
            taine liée au prestige personnel du souverain ; ce denier apparaît souvent comme « l'ami des
            parties ».
             Mais on lui adresse les griefs suivants :
                x Le chef d'État est rarement un expert. Seule solution raisonnable : l’assistance de juristes
                   qui préparent sa décision ; mais peut-on alors parler d’arbitrage par chef d’État ?
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