Page 6 - chapitre_3a_ctx_2021-2022
P. 6
CHAPITRE III 1/2 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 6/33
Il est donc logique que le contenu réel des conditions de l’engagement de la responsabilité
internationale de l’État dans un cas donné dépende, pour une large part, du contenu des normes pri-
maires violées par cet État.
¾ Ainsi, l’exigence d’un préjudice comme condition d’engagement de la responsabilité interna-
tionale dépend-elle du contenu de la norme primaire violée. Par exemple, il est loisible à deux États
de conclure un traité (norme primaire définissant leurs droits et obligations) en décidant que la viola-
tion de ce traité engagera la responsabilité internationale de l’auteur de ladite violation sans que la
victime ait à prouver qu’elle a subi un préjudice.
Cela dit, en pratique, les normes primaires obligent souvent la victime d’un fait illicite à dé-
montrer qu’elle a effectivement subi un préjudice.
¾ De même, la nécessité du caractère internationalement illicite du fait imputé à un État peut
être écartée par une norme primaire en tant que condition de l’engagement de la responsabilité
internationale de l’État. Il peut y avoir obligation de réparer un préjudice résultant d’un fait licite au
regard du droit international. Exemple : même si elles sont décidées dans le respect des règles (pri-
maires) du droit international, les nationalisations doivent donner lieu au versement d’une indemnité
adéquate.
De caractère général, les règles de la responsabilité des États qui seront exposées ci-après, sont
aussi, pour la plupart, supplétives :
« En principe, les États, lorsqu’ils établissent une règle ou acceptent d’être liés par
une règle, sont libres de préciser que sa violation n’entraînera que certains effets
particuliers, écartant ainsi l’application des règles ordinaires de la responsabilité. » 1
2
¾ Si la science du droit en général est redevable à H.L.A. Hart d’avoir énoncé avec force et clarté
la distinction entre normes primaires et normes secondaires, c’est à Roberto Ago, le deuxième des
cinq rapporteurs spéciaux des travaux de la Commission du droit international, que l’on doit l’appli-
cation de cette distinction au droit de la responsabilité des États.
Pour apprécier à leur juste valeur la distinction entre normes primaires et normes secondaires
du droit international ainsi que la contribution de Roberto Ago, il faut savoir ou se rappeler
que la Commission du droit international des Nations Unies (ci-après la CDI) avait inscrit
dès 1955 à son ordre du jour la question de la responsabilité internationale des États et ce, en vue de
poursuivre sa tâche de codification et de développement progressifs du droit international, et
qu’entre 1955 et 1963, faute, notamment, de se fonder sur une distinction claire entre
normes primaires et normes secondaires, la position de son premier rapporteur spécial, F.V. Garcia
Amador, avait conduit la CDI dans une véritable impasse théorique et pratique.
¾ Lorsqu’il succède en 1963 à F.V. Garcia Amador, comme rapporteur spécial, Roberto Ago
donne une impulsion décisive aux travaux de la CDI en formulant d’une manière claire et nette la
nécessité de la distinction entre normes primaires et normes secondaires :
« [Il faut préciser] les principes qui régissent la responsabilité des États pour faits illicites in-
ternationaux, en maintenant une distinction rigoureuse entre cette tâche et celle qui consiste
à définir les règles mettant à la charge des États les obligations dont la violation peut être
cause de responsabilité… [D]éfinir une règle et le contenu de l’obligation qu’elle impose est
une chose et établir si cette obligation a été violée et quelles doivent être les suites de cette
violation en est une autre. » 3
1 Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
et commentaires y relatifs, 2001.
2 Herbert Lionel Adolphus Hart.
3 Annuaire de la CDI. 1970, vol. II, p. 327, par. 66 c.