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CHAPITRE III 1/2 – 2022-2023 - www.lex-publica.com - © M. Coulibaly 32/38
1 – Le principe de la réparation intégrale ou adéquate du préjudice
Comme cela a été souligné ci-dessus, le principe général applicable aux conséquences juridiques
d'un fait internationalement illicite est l’obligation de « réparer dans une forme adéquate ».
Question : Que faut-il entendre par « réparer dans une forme adéquate » ?
Réponse : Position de la Cour internationale de Justice dans l’affaire Avena et autres ressortissants
mexicains :
« Quant à savoir ce qui constitue une "réparation dans une forme adéquate", cela
dépend, manifestement, des circonstances concrètes de chaque affaire ainsi que de
la nature exacte et de l'importance du préjudice, puisqu'il s'agit de déterminer
quelle est la "réparation dans une forme adéquate" qui correspond à ce préjudice. »
– Affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt du 31 mars 2004, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 59, par. 119.
Dans une autre phase de l’affaire de l’Usine de Chorzów, la Cour permanente de Justice internatio-
nale avait précisé la teneur d’une réparation adéquate ou intégrale du préjudice :
« Le principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite et qui semble se
dégager de la pratique internationale, notamment de la jurisprudence des tribunaux
arbitraux, est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les consé-
quences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si le-
dit acte n'avait pas été commis. » – Affaire relative à l’usine de Chorzów, fond, arrêt
du 13 septembre 1928, C.P.J.I., série A, n° 17 (1928), p. 47.
Question : Est-il nécessaire de savoir avec certitude l’étendue d’un préjudice pour en assurer une
réparation adéquate ?
À cette question l’actuelle Cour répond négativement pour les dommages matériels, immatériels
et plus spécifiquement pour les dommages environnementaux :
De l’avis de la Cour, un préjudice immatériel peut être établi même en l’absence d’éléments de
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preuve précis .
S’agissant de l’évaluation des dommages, la Cour rappelle que l’absence d’éléments de preuve
suffisants quant à l’étendue des dommages matériels (y compris les dommages environnemen-
taux) n’exclut pas dans tous les cas l’octroi d’une indemnisation pour ces derniers.
Une approche similaire avait été retenue dans le cadre de l’arbitrage relatif à la Fonderie de Trail,
dans lequel le tribunal, citant la décision de la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique en l’affaire
Story Parchment Company v. Paterson Parchment Paper Company (1931, United States Reports, vol.
282, p. 555), avait déclaré ce qui suit :
« Ce serait pervertir les principes fondamentaux de la justice que de refuser tout
secours à la victime et par là même libérer l’auteur du préjudice de l’obligation de
réparation sous prétexte que l’acte illicite est de nature à empêcher que le montant
de l’indemnité puisse être déterminé avec certitude : en pareil cas, si le montant de
l’indemnité ne doit pas être établi par simple spéculation ou conjecture, il suffit
néanmoins que l’ampleur des dommages soit démontrée par une déduction juste
et raisonnable, quand bien même le résultat n’en serait qu’approximatif.» (Trail
1 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), Indemnisation due par la République
Démocratique du Congo à la République de Guinée, Arrêt du 19 juin 2012, C.I.J. Recueil 2012, p. 10, par.21.